Puno, lac Titicaca
récit de voyage no 9
Nous quittons la charmante ville de Cuzco avec regret et prenons un bus pour Puno (6 h. 30 de route). En route nous rattrapons le train qui en fait n'est finalement utilisé que par les touristes. Si nous avons payé notre passage en bus S30/pers soit CHF 10,- les usagers du train eux ont payé S700 soit CHF 235,- pour admirer le même paysage de l'Altiplano et en plus en arrivant une heure après le bus partis en même temps.
Puno (3830m) est une ville sans grand intérêt, sinon d'être le port d'accès aux îles du lac Titicaca. Qui n'a pas entendu parler de ce fameux lac mythique. Ce lac qui se trouve à plus de 3830m d'altitude et qui est le plus haut lac navigable du monde, cela fait rêver ! Et voilà que nous y sommes !
Dès notre arrivée à Puno, nous nous renseignons pour aller visiter les différentes îles en dormant une nuit chez l'habitant, sans passer par un tour opérateur. Il semblerait que ceux-ci exploitent les familles d'accueil en les payant un minimum. En plus, voyager en groupe n'est pas notre tasse de thé. On nous conseille donc d'acheter le billet de bateau directement au port. Le lendemain, bien que nous suivions les conseils reçus, nous nous trouvons dans une navette remplie de touristes, mais où sont donc les locaux ? Et c'est ainsi que sans l'avoir voulu, nous faisons partie d'un circuit organisé ! Heureusement que parmi le groupe, il y a des gens fort sympathiques qui tout comme nous aspirent à voyager de manière individuelle.
Notre premier arrêt, après une petite heure de navigation, nous amène sur les curieuses îles flottantes d'UROS, où nous sommes reçus par quelques charmantes mamitas chantant en coeur "vamos a la playa...." la playa ah bon? A cette altitude ? il y fait un peu froid non ! Accueil digne d'un Club Med ! Puis on fait asseoir tout le groupe en rond et pendant un quart d'heure un homme explique de manière très ludique la formation des îles flottantes. Elles sont fabriquées avec des roseaux légers appelés "totora" qui poussent en abondance dans les bas-fonds du lac. Ces plantes comestibles servent également à réaliser leurs maisons, leurs bateaux ainsi que l'artisanat. Les îles se composent de nombreuses couches de "totora", complétées en surface à mesure que les couches inférieures pourrissent. Il y a cinq siècles, afin de se protéger des agressions des Colla et des Incas, le petit peuple d'Uros entama cette inhabituelle existence flottante.
Après ces explications fort intéressantes, nous visitons les minis huttes, puis nous avons droit aux petits stands artisanats et pour finir pour ceux qu'ils veulent vivre un moment I N O U B L I A B L E ! selon les dires des locaux, nous sommes invités, moyennant paiement, à faire quelques ronds dans l'eau sur leur bateau en roseau qui font penser à des tapis volant. Bref le vrai circuit pour toutous apprivoisés!
Il parait qu'à Uros chaque famille construit sa propre île. Je ne suis pas si persuadée que chacune d'entre elle vit encore à plein temps sur l'île. A mon avis, c'est devenu une attraction purement touristique. Ouais ! Pas très authentique tout cela ! Il est d'ailleurs fortement déconseillé aux fumeurs d'aller visiter Uros au risque d'en faire un feu de paille.
Puis nous nous arrêtons pour la nuit sur l'île d'AMANTI qui compte env. 4000 habitants, repartis en 10 communautés. Chacune d'elles reçoit à tour de rôle les touristes. Nous avons été accueillis par la communauté de Colquecache. Sur le quai les différentes familles d'accueil, habillées en costume traditionnel, nous attendent. Et rapidement nous sommes, au hasard, attribués à l'une d'entre elles.
Notre maison se trouve isolée à environ 15 min du port, avec une vue splendide sur le lac. Notre chambre toute proprette est à l'étage et comporte quatre lits ainsi que deux pots de chambre très utiles, car les toilettes se trouvent dans le jardin et les nuits sont fraîches. La cuisine est située au rez de chaussée. Elle est plutôt sombre et basique. Dans un coin on trouve un four de pierre sur lequel sont posés deux casseroles noires et usées dans lesquelles mijote une bonne soupe, et de l'autre côté de la petite pièce une table pas très grande couverte d'une nappe de couleur.
A peine arrivé un bon repas nous attend. Sans attendre nous faisons connaissance avec notre famille d'accueil. Notre logeuse se prénomme Celia, c'est une charmante jeune femme de 30 ans qui a deux enfants, Luz 11 ans et Roy 8 ans. Elle vit chez ses parents. Elle est divorcée depuis huit ans, son mari la battait. Sa maman une petite dame de 58 ans tout discrète ne parle que le quechua. Durant tout notre séjour on la trouve assise près du feu à peler minutieusement des kilos de pommes de terre. Si sa maman n'est jamais allée à l'école, Celia a étudié jusqu'à 12 ans, et quand à sa fille Luz, chaque jour elle fait une longue marche pour rejoindre l'école. Lorsque le repas est terminé Celia nous prête deux chapeaux en laine qu'elle a tricoté et nous demande de la suivre sur le terrain de sport du village, où apparemment nous avons rendez vous ?! Arrivés sur les lieux, nous sommes seuls, Pascal impatient décide d'aller explorer un peu les alentours quand à moi, je suis curieuse de voir avec qui nous avons rendez vous. Très rapidement je déchante lorsque je vois venir des groupes de touristes tous avec un chapeau similaire sur la tête, à croire que c'est le nouvel uniforme. Nous sommes maintenant environ 70 toutous réunis sur le terrain de sport. Alors là, je ne suis pas d'accord, nous ne venons pas au lac Titicaca pour être avec les touristes ! Je pars furax rejoindre Pascal qui, entre temps est déjà en haut de la colline à visiter les différentes ruines de Pachamama et Pachatata (Terre Mère et Terre Père), les plus hautes et les plus connues, datent de la culture de Tiahuanaco. De la haut la vue est splendide, de quoi calmer ma rage.
Après le souper nous sommes censés retourner sur la place où un bal "costumé" est organisé pour les visiteurs. Les villageois habillent leurs hôtes de costumes typiques et les mamitas font danser les touristes. Nous déclinons pour le grand bonheur de Celia et préférons profiter de la vie de famille et jouer dans la cuisine chauffée par le feu de bois avec les enfants, qui sont d'ailleurs ravis.
Le lendemain matin, notre bateau part à 8 h., il est 7 h. 15 et avant de quitter l'île, nous aimerions visiter un peu le village. Celia se prépare à nous accompagner au port, nous lui faisons comprendre que c'est gentil mais pas nécessaire, étant donné que le port est tout près. En chemin nous voyons sur des routes parallèles des groupes de touristes, chacun accompagné de leur respective mamita allant en direction du port. Nous rencontrons également un homme qui nous demande d'une voix accusatrice où est notre mamita et nous prie de nous joindre aux groupes qui descendent. Il reste environ 500 m. jusqu'au port, nous lui faisons comprendre que nous n'allons pas nous perdre, que nous sommes des gens indépendants et continuons notre route comme si de rien n'était. Quelques minutes après, Celia est derrière nous. On se croirait dans un pays communiste où chaque pas et geste sont surveillés.
Au port toutes les mamitas sont présentes pour nous dire au revoir. C'est vrai qu'à première vue c'est sympathique, seulement c'est fait d'une manière si peu spontanée que nous rêvons tous de retrouver notre liberté.
Et enfin dernière île de ce circuit, l'île TAQUILE qui compte environ 2000 habitants et qui ressemble curieusement à une île grecque, hormis la couleur blanche des maisons, mais bien plus jolie et vivante que la précédente. Notre capitaine nous dépose d'un côté de l'île et nous reprend quelques heures plus tard de l'autre côté. Cela nous permet d'admirer le magnifique paysage qui nous rappelle un peu la Méditerranée. Des terrasses incas s'étagent sur les versants de plusieurs collines, que coiffent des ruines. En chemin nous rencontrons un cortège d'hommes et de femmes qui, tels des fourmis, transportent sur leur dos de lourdes charges et grimpent péniblement le chemin qui va du port au sommet de l'île. Ils nous font mal au coeur. Pour se donner des forces ils mâchent des feuilles de coca. En les suivant nous découvrons que tous les habitants de l'île sont impliqués dans la construction d'un chemin. Pour cela il faut tailler les pierres avec un burin puis aplatir le terrain, poser les pierres plates et enfin bétonner, c'est tout un programme. C'est un travail communautaire, tout le monde est concerné et ne peut y échapper.
Je comprends mieux maintenant pourquoi à Amantani nous avions si peu de liberté. Ici, on vit essentiellement par et pour la communauté. Lorsqu'ils nous ont tous réunis sur la place, c'est finalement leur manière de fonctionner qui va à l'encontre de la nôtre. Nous qui sommes tellement individualistes !
Taquile possède une fascinante tradition d'artisanat. Tous les hommes et les femmes sont habillés en costume traditionnel. Les hommes portent un bonnet en laine ressemblant à un bonnet de nuit avec un pompon qu'ils tricotent eux mêmes. Les couleurs ne sont pas choisies au hasard : rouge pour les hommes mariés, rouge et blanc pour les célibataires. D'autres teintes peuvent indiquer la position social présente ou passée. Soucieux de préserver leur identité, ils évitent les mariages intercommunautaires.
Voilà encore un endroit où il est préférable de ne pas naître femme ! Où l'homme macho est roi ! Dès 15 ans un garcon devient chef de famille, si il n'y a pas de père ! Ici la femme est bonne pour faire des enfants, tricoter, s'occuper de la terre, de la cuisine et se taire. Celles qui par malheur ont des caractères moins soumis sont mises à l'écart par la société. Mieux vaut ne pas êtres divorcée ou fille mère. Nous avons fait la connaissance d'une jeune femme médecin travaillant pour une année dans ces îles pour soigner la population. Elle nous a avoué que les femmes sont si soumises que parfois même durant une consultation médicale les concernant, c'est leur mari qui répond aux questions. Nous pouvons imaginer que Celia, notre logeuse, a eu bien du courage de se divorcer de son mari violent.
Finalement, notre visite au lac Titicaca était une expérience intéressante, pas celle que l'on s'imaginait, mais instructive. Je préfère ne pas imaginer comment c'est durant la haute saison touristique !
Nous partons sur Arequipa (5 h. 30 de bus).
Dans certaine région du Pérou, par exemple entre Puno et Arequipa, les gens ont la fâcheuse habitude de tout jeter par la fenêtre du bus. Quel triste spectacle, tout au long de la route on peut voir des sacs en plastique, des bouteilles, du papier et j'en passe. Cela fait mal au coeur de voir ces beaux paysages où les troupeaux de lamas, d'alpagas broutent, couverts de détritus.
Les indigènes ont beau vénérer avec ferveur leur vénérable Pachamama (mère de la terre), ils n'ont pas conscience que leur façon d'agir pollue leur terre. Ce n'est pas l'envie qui me manque de me lèver , comme le font d'ailleurs parfois des passagers pour vendre toutes sortes de produits, et de leur faire un petit cours sur le bien fondé de respecter la nature. Malheureusement mon espagnol n'est pas assez bon. Tiens je viens d'être devancée par un vendeur de produits alimentaires qui prône une alimentation saine. Cela dit, il n'a pas tort, car manger tous les jours du poulet aux hormones et des frittes grasses (évidemment ce menu ne concerne pas les péruviens plus fortunés !) il y a de quoi avoir des problèmes de santé. Finalement c'est dans les bus que beaucoup de pauvres péruviens font leur éducation, c'est une manière comme une autre. Ce voyage m'a appris que, contrairement à ce que j'ai toujours pensé, rien n'est inné. On a appris la propreté, le respect, le savoir vivre, comment se nourrir sainement... J'ai pris conscience que l'éducation est essentielle.